Qui a le droit de modifier la Constitution et quelles sont les procédures qui permettent de le faire, c’est ce qu’implique la notion de Souveraineté. Celle-ci est censée appartenir au Peuple selon la Constitution actuelle. Nous allons voir ci-dessous que tous les gouvernements, y compris celui à l’origine de la Vème République, se sont proprement assis sur ce principe.
De la souveraineté
L’article 3 de la Constitution de la Vème République semble à-priori très clair :
Article 3 de la Constitution de la 5ème République :
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Sauf que voila !… Clair, ça ne l’est pas vraiment pour tout le monde.
En effet, si l’on en croit la définition Larousse du terme représentant, ce dernier n’est pas le propriétaire de la souveraineté, puisqu’il ne fait que représenter le Peuple.
Comment se fait-il alors que ce représentant s’octroie le droit de modifier la souveraineté, un bien qui lui a été non pas donné mais prêté ? En effet, dans le texte fondateur de la Vème République, l’article 89 prévoit que la Constitution peut être modifiée SANS AVIS du Peuple dans la mesure ou cette modification est approuvée par 3/5 du Congré (à savoir l’ensemble Assemblée Nationale/Sénat). C’est comme si un VRP avait décidé de repeindre en rouge la voiture de fonction prếtée par l’entreprise pour laquelle il travaille, ladite voiture peinte en bleu à l’origine, aux couleurs de la société.
Nous avons ici précisément le résultat du fameux flou juridique dont on parlait dans l’article précédent de notre dossier "Canevas" : du fait de la non-définition du terme représentant dans la Constitution, il a été décidé à un moment donné que ce terme désignait non pas ce qu’il désigne réellement, à savoir un simple VRP du Peuple, mais une émanation de ce dernier (lequel terme est également mal défini comme nous l’avons vu également).
Tout cela a d’ailleurs entraîné une sacré contradiction soit-dit en passant. En effet rappelons ce que disent les Droits de l’Homme à ce sujet :
Article 3 :
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
Dénaturation progressive de la Constitution
Le résultat de ce micmac, le voila :
Les plus remarquables de ces révisions étant sans nul doute celles entraînées par Monsieur Nicolas SARKOZY, lesquelles ont eu pour conséquences d’imposer en 2007 aux français les termes d’un traité (le traité de Lisbonne) qui avait été refusé par voie référendaire en 2004 (Traité de Rome), ... tout en défaussant le Chef d’État de sa responsabilité pénale pour crime de Haute-Trahison (suppression de cette notion auparavant. Cf. révision Constitutionnelle du 23 février 2007) !... En effet, rappelons le deuxième alinéa de l’article 5 de la Constitution :
il (le Président de la République) est le garant de de l’Indépendance Nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.
Si l'on en croit cet article, le traité de Lisbonne imposant la souveraineté de l’Union Européenne sur celle des états-membres, il y a bel et bien eu crime de Haute-trahison puisque la hiérarchie des normes impose tout au contraire la primauté du Droit Constitutionnel :
Cette notion de Hiérarchie des Normes est très importante à comprendre en matière de Droit. Nous en parlerons longuement un peu plus loin dans notre étude. Dans le cas présent, elle a été biaisée tout simplement en rajoutant dans la Constitution, et ce sans passer par le biais d’un référendum, les articles 88-1 à 88-7 qui subordonne le Droit Constitutionnel au Traité de l’Union Européenne (TUE) faisant ainsi remonter ce dernier, du "bloc conventionnel" au "bloc constitutionnel"…
Voilà ce que permet de faire la possibilité, pour le gouvernement, de modifier lui-même la Constitution. Imaginez que votre assureur décide, à votre corps défendant, de modifier le contrat qui le lie à votre personne !… Et bien c’est précisément ce qu’ont fait les gouvernements qui se sont succédés et ce depuis le début.
Notons que le passage du septennat au quinquennat sous Jacques CHIRAC, a permis de faire en sorte que durant le mandat du Président, les contre-pouvoirs disparaissent en faisant coïncider le mandat présidentiel avec le mandat législatif... et donc de faciliter ce genre de magouilles puisque le Président a toutes les chances d'avoir une majorité acquise à sa cause (donc répondant à la fameuse règle des 3/5ème) pendant les cinq ans durant lesquels il exerce. Nous avons ici typiquement une dérive monarchique.
La solution de France Constituante
Pour éviter de nouvelles trahisons, l’association France Constituante propose d’introduire dès le début du nouveau texte fondateur, une protection sur la Constitution. Cette protection est placée immédiatement après l’article qui donne les définitions de l’État, de la Nation et du Peuple :
Article 2
La présente Constitution est rédigée par la Nation Française pour l’État français ;
la Nation française est le propriétaire de la Constitution ; en tant que tel elle nomme le Conseil Constitutionnel défini dans la partie V comme étant le gardien et le garant de la Constitution et l’Assemblée Populaire définie dans sa partie IV comme étant le protecteur et le représentant de la Nation vis-à-vis du Gouvernement.
Seule la Nation française a le droit de modifier la présente Constitution dans les limites qui sont imposées par celle-ci ; les modifications ne peuvent être effectués que par la procédure référendaire telle qu’elle est décrite dans la partie IV de la présente Constitution ; toute tentative de le faire en dehors de cette procédure est nulle et est considérée comme étant un acte de haute trahison dont le et/ou les auteurs seront pénalement responsables selon les modalités décrites dans la partie VIII de la présente Constitution ;
Cet article, dans son intégralité est non modifiable.
Nous verrons dans la prochaine partie ce que sont les parties auxquels fait référence cet article. Pour l’instant analysons tout cela :
- Le premier alinéa de l’article précise tout d’abord qui est le rédacteur de la Constitution et à qui elle s’adresse. Le rédacteur est la Nation et non pas le Peuple. Rappelons en effet que le premier article définit la Nation comme étant l’ensemble des individus pouvant prétendre à la nationalité française. Il nous apparaît en effet normal qu’une première protection soit placé à ce niveau pour éviter les influences étrangères.
- Quant à l’État, le destinataire de la Constitution, le même premier article précise que ce dernier est l’ensemble pays/population/Gouvernement c’est-à-dire un sens nettement plus large que celui que la plupart des gens donne d’habitude à ce mot (c’est-à-dire simplement le gouvernement).
- Le deuxième alinéa définit le propriétaire de la Constitution : la Nation (telle que définie dans le premier article) et seulement celle-ci. Cette entité désigne un protecteur-garant : le Conseil Constitutionnel. De ce fait, ce dernier doit répondre de son action non plus devant le gouvernement mais devant une autorité qui est le représentant de la Nation, c’est-à-dire l’Assemblée Populaire dont on parlera un peu plus loin dans notre étude. D’ores et déjà il apparaît un point très important ici : un lien de subordination existe entre le Conseil Constitutionnel et la Nation. Ce lien n’existait pas auparavant. Nous en reparlerons également.
- Le troisième alinéa indique comment les révisions constitutionnelles doivent être effectuées. Le référendum devient une obligation. Toute tentative de faire autrement devient répréhensible et est donc sanctionnée.
- Enfin, le dernier alinéa protège l’article lui-même. Tout comme le premier article, la protection de la Constitution ne peut faire l’objet d’une révision constitutionnelle même par voie référendaire. C’est ce qui explique la présence de l’expression "dans les limites qui sont imposées par celle-ci" dans le 3ème alinéa.
Maintenant que la Constitution est protégée, on peut passer à la suite.
Quelque chose me chiffonne dans votre analyse sur l’introduction du TUE dans la Constitution via les articles 88-1 à 88-7. En effet, ces articles sont au rang 88 d’une Constitution qui contient 89 articles donc à la fin. Quid de la priorité des 87 premiers articles sur le TUE SVP? J’ai en effet du mal à comprendre comment la législation européenne peut primer dessus vu que logiquement la numérotation impose également un ordre hiérarchique.
Votre question est très pertinente Fernandini. En théorie vous avez effectivement raison, les 87 premiers articles de la Constitution (donc en pratique sa totalité) priment sur le TUE puisqu’il fait l’objet du 88ème article.
Seulement voila, dans la pratique, ce n’est pas du tout ce qu’il se passe. En effet, comme le TUE est inscrit dans la Constitution, la France reconnait le droit européen de juger l’Etat français… et donc, de facto le droit qu’a l’UE de condamner l’Etat français à de lourdes amendes pour non respect du TUE.
Voila comment ça se passe: les tribunaux français n’ont pas compétence pour juger sur la base du TUE. Leur compétences s’arrêtent à la Constitution française. Donc de ce fait, lorsqu’un jugement en France contredit le Droit européen du fait d’une disposition inconstitutionnelle, Bruxelles applique tout simplement une pénalité pécunière à la France. C’est ainsi que la France, en 2014, a payée 2,2 milliards d’Euro à l’UE.
Notons que le TUE fait obligation aux signataires de mettre en accord la législation nationale avec la législation européenne.
Notons également que le fait de l’inscription du TUE dans la Constitution implique que, pour sortir de ce traité, une révision constitutionnelle est nécessaire et ce malgré la présence de l’article 50 du TUE qui définie les modalités de dénonciation du traité de Lisbonne.
Bonjour,
Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation à défaut d’un lien de subordination du fait que la Nation nomme le Conseil Constitutionnel. Nommer n’est pas subordonner de fait.
Cela laisse un flou.
Ne serait-il pas judicieux d’insérer: nomme ou récuse le conseil constitutionnel ?
Très bonne idée. On prend note.
Rectification
« Nomme, récuse ou démet »